26 mai 2007
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Attention, il existe un prologue à cet article... (regardez plus bas!)
Kristin posa sa main sur son ventre rebondi et sentit sous ses doigts les pieds de son enfant répondre à sa caresse. Elle sourit, toujours aussi surprise de voir ce petit être déjà conscient du monde qui l'entourait. A quoi ressemblait-il? Etait-ce une fille ou un garçon? Quel nom allaient-ils lui donner? Quelle vie s'ouvrirait devant lui? Dans quelques heures, cet enfant tant désiré ne serait plus l'image que ses parents projetaient de lui depuis neuf mois, mais bien un petit être qui viendrait agrandir leur famille. Il amènerait du bruit et des soucis dans leur couple, mais aussi un bonheur inégalable : celui d'être enfin parents!
Après tant d'années passées à attendre, à espérer chaque mois, à pleurer dans le cabinet des gynécologues les plus réputés, après tant de questions, d'hésitations, de craintes, ils y étaient enfin... Certes, cet enfant n'était pas tout à fait le leur, mais qu'importait? Kristin l'avait porté en son sein depuis le début; et Jacques était son père biologique.
La future maman se leva difficilement du canapé où elle reposait. Sa valise était prête. Quelques contractions apparaissaient de temps à autre, mais l'enfant ne semblait pas pressé de naître. En réalité, le terme était dépassé depuis plus de 48 heures et les médecins avaient décidé de déclencher l'accouchement, pour la sécurité de la maman et du bébé. Kristin se demanda si elle devait avoir peur, mais son désir de tenir enfin sa fille (oui, c'était une fille, elle en était intimement persuadée!) dans ses bras lui faisait occulter le moment parfois délicat de l'accouchement.
Une seule peur subsistait au fond de son coeur : s'attacherait-elle à cet enfant autant que s'il avait été le fruit de ses propres ovocytes? C'était un peu stupide, et elle se refusait d'approfondir ce genre de pensée, mais elle aurait aimé connaître la mère biologique de l'enfant qu'elle portait, pour s'assurer qu'elle était "normale"... C'était une idée idiote. Jacques l'avait rassurée, lui affirmant qu'il avait lu que beaucoup de mamans qui portaient l'enfant d'une autre femme, se posaient ce genre de questions. Kristin avait fait semblant d'être rassurée. Mais il n'en était rien.
Le bébé bougea, cherchant certainement une place un peu plus confortable au sein de cette matrice qui devenait trop exigüe pour lui. Une contraction un peu plus forte que les autres accompagna son mouvement. La future maman grimaça légèrement et regarda la pendule : 9 heures. Jacques ne devrait plus tarder.
Le petit être s'approcha d'une immense porte en bois décorée de lourdes runes scintillantes de rubis. Il semblait impossible pour quelqu'un de sa taille d'ouvrir un tel panneau, et pourtant il la poussa à peine pour la faire céder. Aucun bruit, nul grincement. Dans un silence qui frôlait le religieux, il pénétra dans une immense salle couverte de pavots rougeoyants. Leur odeur entêtante donna un instant le vertige au petit personnage téméraire qui courait à présent vers le centre du bâtiment. Là, une rotonde en marbre noir s'élevait pour porter aux nues une longue silhouette sombre.
S'arrêtant enfin de courir, le petit être se jeta à genoux aux pieds de la rotonde.
- Maître! fit sa voix étonnament claire.
La silhouette pivota lentement, sans à-coups, presque immatérielle, totalement masquée par un lourd manteau à capuche d'un bleu profond.
A présent certain de l'attention de celui qu'il appelait "Maître", il poursuivit :
- L'enfant va naître, nous y sommes... L'équilibre sera conservé.
N'obtenant aucune réponse, il osa enfin relever un peu la tête, pour tenter de capter l'expression de son Maître afin de savoir s'il était satisfait de cette annonce. Son regard chercha longuement les yeux de cet homme dont la peau, d'un noir d'ébène, semblait le dissimuler totalement à l'intérieur de l'épais capuchon. Enfin, il aperçut la lueur intense du regard aveugle et voulut y discerner de la satisfaction.
Kristin s'éveilla en sursaut, terrifiée. Ce regard... Combien de fois l'avait-elle vu en rêve depuis le début de sa grossesse?
Elle sentit la main de Jacques se glisser dans la sienne. Elle reconnut alors la chambre de l'hôpital, plongée dans la nuit.
- Ca va? demanda son époux d'une voix endormie.
Il veillait à ses côtés depuis bientôt 24 heures, la distrayant de son mieux pour tromper cette longue attente. Malgré la perfusion, l'enfant ne semblait pas pressé de sortir. Les contractions, cependant, s'intensifiaient, épuisant Kristin. A trois heures du matin, l'anesthésiste était venu lui poser une péridurale... et elle s'était endormie. Tout comme Jacques.
- Oui, j'ai fait un cauchemard.
Jacques fronça les sourcils. Il n'ignorait pas que de nombreux rêves étranges habitaient les nuits de son épouse depuis le début de sa grossesse, mais ces dernières semaines Kristin n'en parlait plus. Il en avait conclu, peut-être un peu hâtivement, que les cauchemards avaient cessé.
- Encore...?
- Toujours... confia-t-elle dans un souffle.
L'enfant donna un coup de pied contre la contraction qui le poussait à sortir.
à suivre...
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