Mots et cris

Je me rappelle quand j’étais en CE1, avec une maîtresse-chignon. Mais si, vous en avez tous eue au moins une comme ça, une femme grande, mince comme un coup de trique (coup de trique qu’elle vous aurait bien donné, d’ailleurs, si un idiot de ministre n’avait pas un jour banni les sévices corporels de l’école), et qui porte un chignon bas sur la nuque. Pas le genre de chignon perché tout là-haut, celui des danseuses qui dévoilent la grâce d’un cou parfait, non, non, un chignon-du-bas qui tire les cheveux et les traits pour les rendre plus sévères…

Brrrr, j’en frissonne encore.

Un jour, en classe, la maîtresse-chignon nous a demandé de faire un dessin. Je me suis appliquée (si si, j’en suis certaine !), et elle est passée devant moi. Son chignon et elle se sont arrêtés devant ma table. Je n’ai même pas osé lever les yeux. Sa main s’est avancée : elle a pris mon dessin, sûrement pour le regarder de plus près. Puis, elle l’a déchirée parce qu’il était trop moche.

Ouais.

Comme ça.

Et ce jour-là, j’ai découvert que j’étais nulle en dessin…

Heureusement, j’ai un peu grandi depuis. Je suis toujours aussi nulle en dessin, mais j’ai découvert que j’étais plutôt douée pour raconter des histoires. Et, comme beaucoup d’écrivains, j’aime aussi beaucoup lire. De ce fait, je fréquente des librairies, et je passe assez souvent à mon Cultura.

C’est là, il y a quelques jours, que j’ai eu l’impression que ma route venait de croiser de nouveau celle de ma maîtresse-chignon.

Alors que je déambulais dans les rayons, je me suis figée devant une structure cartonnée qui représentait des gros barreaux noirs. Derrière eux, un livre noir et rouge paraissait emprisonné. Un morceau de ficelle rudimentaire enserrait le livre et maintenait aussi le message suivant : « Libérez-moi ».

J’ai eu un peu l’impression que mes yeux allaient sortir de leurs orbites. J’avançai la main, m’emparai du livre, notai combien la première de couverture était bien pensée, le palpai, le tournai, lus la quatrième qui était hyper attirante. Seul « défaut » : il fallait lutter avec la ficelle pour lire quelques mots…

Et là, je levai les yeux.

Seconde baffe.

Une cage noire, cadenassée, trônait au-dessus du présentoir, et contenait quelques romans qui paraissaient vraiment nous implorer de les libérer. Je restais un instant sonnée, puis dégainai mon iPhone pour montrer tout ça à ma Dream Team.

Quel marketing !

On a beau toujours tenter de trouver des « trucs en plus », faire de beaux marque-pages, des dédicaces pleines de couleurs, des flyers pour présenter les livres, et bien, parfois, on n’a rien de plus à faire que de s’incliner devant le génie du créatif qui a pensé à cette présentation pour ce roman…

Chapeau bas monsieur le maquettiste, publiciste... !