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28 novembre 2007 3 28 /11 /novembre /2007 07:22
Ah mes chers blogonautes !

Il est de ces dates qui font frémir, moitié de plaisir, moitié d'angoisse, et qui m'empêchent finalement de dormir paisiblement...
Comme tous les mercredis, le comité de lecture des EMC se réunira ce soir. Ils ont entre les mains la totalité de mon bouquin Le Roman de Marjolaine, mais tous n'en sont pas au même moment de leur lecture. En effet, nous avons eu la chance de progresser pas à pas, eux comme moi, ce qui est assez rare (d'après ce que j'ai pu comprendre !) dans le milieu du livre.

Il y a deux mois, je leur ai confié la lecture des quatre premiers chapitres de Marjolaine. La moitié du comité de lecture a pu les lire. La semaine suivante, Michel Champendal* m'a fait part du retour de leur lecture, et visiblement cela leur avait beaucoup plu.

Deux semaines plus tard, alors que le second groupe lisait les 4 premiers chapitres, le premier groupe s'emparait (avidement !) des trois suivants.
Puis il y a eu les grèves, et notre Cher Président (!) a empêché, de part sa rigidité, les réunions hebdomadaires des EMC. Attente, patience, trépignage (cherchez pas, ça vient du Dico Carville !)...

Ce soir, la première partie du comité aura terminé la lecture de la totalité du Roman de Marjolaine... Et rendra sa copie ! Grosse pression là... ! Michel m'a dit encore hier soir au téléphone "Sois confiante". J'essaye, mon cher Michel, j'essaye ! Mais comment l'être quand on n'a jamais rien publié et que cette aventure nous tombe dessus comme un gros paquet surprise dont l'expéditeur reste inconnu ? J'ouvre... ? J'ouvre pas... ? Bon, la journée va être longue, je le sens ! Heureusement, je pense que Michel, une fois rentré chez lui ce soir, après la réunion des EMC, aura certainement la gentillesse de me glisser un petit mot dans ma bal juste pour me dire le premier avis du comité. Quelqu'il soit, j'en dormirai mieux !

Et puis, il y a la semaine prochaine. Dernière ligne droite. Vote du comité de lecture pour l'acceptation (ou le refus !) de la publication de mon roman. Rien que d'en parler, j'ai les doigts qui s'emmêlent sur mon clavier, le cœur qui palpite... Non, non, je ne dois pas penser déjà à mercredi prochain ! Laissons cela pour...mercredi prochain !

Allez, plus qu'une quinzaine d'heures à attendre... (Argh !)


* Les EMC, dont je vous propose de découvrir le site ici, ont enrichi constamment leurs pages des dernières semaines et viennent de mettre en ligne un très beau blog d'auteurs qui promet de belles évasions...
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23 novembre 2007 5 23 /11 /novembre /2007 19:00
Visiblement, sur la Toile, on utilise relativement indifféremment les deux terminologies. Pourtant, il m'a été autorisée à penser dans les milieux autorisés (!) que je pouvais me faire taper sur les doigts à me déclarer l'un ou l'autre de façon inadéquate. Bon, d'un côté je n'ai rien contre une petite flagellation (du moment que je peux enfiler avant ma tenue léopard* !), mais autant chercher à clarifier tout de suite cette ambiguité.

Les infos que je vais vous livrer ci-après sont peut-être exactes, ou pas, mais j'en suis là de mes découvertes, peut-être vous serviront-elles et, à défaut, vous pourriez aussi sans doute éclairer davantage ma lanterne...

T'es qui toi ?
Heu... "Une écriveronne" ai-je souvent clâmé haut et fort. En en cela, je pense que l'on ne peut me reprocher ma prise de position très nette là-dessus ! Pourtant, ces derniers temps, on m'a traitée d'auteur, d'écrivain, d'écrivaine, d'autrice, bref, de tous les noms ! Là, je me serais bien exclamée : "Maîtresssse ! Il m'a traité !" comme le font si joliment les gamins de ma classe, mais, manque de pot, la maîtresse, c'est moi !... Alors autant je connais tous les noms de mon métier-qui-me-fait-manger (je suis au choix : professeur des écoles, prof des écoles, PE, maîtresse, instit -ben si, y'en a qui garde encore cette terminologie et cela me plaît !), mais mon tout nouveau métier d'écriveronne (que je pratique depuis pourtant fort longtemps) me donne des noms à coucher dehors avec un ticket de logement ("autrice" : non mais vous entendez ça ? Beurk !)

A l'aide mon p'tit Robert !
Là, quand un souci terminologique se présente à moi, je m'écrie derechef : "A l'aide mon P'tit Robert !". Et Robert de rappliquer en général subito-presto. Même plus besoin de le transporter (c'est qu'il pèse son poids le p'tit Robert !) ni de lui gratouiller les pages de mon doigt précédemment léchouillé : je me suis payé l'édition en logiciel, bonheur... !
Et Robert me dévoile tranquillement :
Auteur : Personne qui a écrit un livre.
Ah bah ouais, ça c'est moi, c'est sûr !
Ecrivain : Personne qui compose des ouvrages littéraires, cf Auteur.
Ah bah ça c'est moi... aussi... Argh !
C'est quoi ce mauvais plan, Robert ? Tu ne peux pas être clair dans ce que tu me racontes ?
La page disparaît, certainement un peu honteuse de ne pouvoir m'aider davantage...

Je suis... Je suis... plouf - plouf... Ce sera toi...
Oui, désolée, mais face à un choix j'ai de vieux réflexes de maîtresse !
Bon, malgré Robert, je ne sais toujours pas si je suis écrivain ou auteur. Finalement, je crois que je vais proposer la définition d'écriveronne à mon cher Robert, ce serait plus simple !
Hélas, je ne me résouds pas facilement aux solutions de facilité...
Lors de précédentes lectures, en particulier du superbe ouvrage de M. Jean Guenot, Ecrire, j'avais lu qu'un écrivain était celui qui bûchait comme un malade sur ses textes, seul face à sa copie. Alors que l'auteur faisait son apparition dès qu'il fallait se présenter à son public. Finalement, l'auteur était la vitrine de l'écrivain, et tout deux vivaient au sein du même bonhomme (enfin, en l'occurence, de la même bonnefemme !). Je dois dire que cette définition me plaisait bien : je comprenais tout à fait qu'il puisse y avoir en chacun des écriverons un personnage besogneux et un autre sous les projecteurs. Mais apparemment, ce n'était pas cela non plus...

Tu vas nous la livrer ta théorie ?
Théorie, théorie (mais de quoi se moque-t-il d'abord ? !), voici un bien grand mot !
Disons plutôt que, suite à une discussion téléphonique très agréable et enrichissante ce matin même avec un jeune auteur**, j'ai eu quelques indications complémentaires pour éviter certains écueils, et donc la sus-mentionnée flagellation !
D'après ce que j'ai pu comprendre, je serais donc un auteur (et j'empapaoute le féminin horrible de ce nom dans un réflexe féministe primaire !) parce que j'ai produit, inventé, une histoire. Mais je ne deviendrai écrivain que lorsque je serai reconnue par mes pairs...

En conclusion, je suis très heureuse d'être simplement auteur car le mot "reconnaissance" me fait peur pour le moment. Je vivrai très bien de ne pas devenir une écrivaine (ah quel horreur aussi ce féminin !) du moment que je puisse rester une écriveronne !



* Heu... Désolée pour votre fantasmagorie, mais je délirais !
** Merci à Pascal Candia pour ses éclaircissements et son soutien.
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21 novembre 2007 3 21 /11 /novembre /2007 20:00
Mon bébé... Que va-t-il devenir ? L'accouchement s'est bien passé, Madame, mais ensuite, de devoir le confier dans d'autres mains, et me voilà "toute chose"...
Quoi "T'exagères K.Rine !" ?
Nan, même pas ! Et puis mon premier bébé est tellement beau, vais-je pouvoir en refaire un si mignon ? Serai-je une bonne mère pour lui ? Serai-je capable de lui faire des frères et sœurs ?
Je me trouve dans une période de transition, pardon, je vous la refais selon le contexte psy du moment : je suis dans une phase transitionnelle... !

Vous l'avez reconnu, chers blogonautes, et principalement si vous êtes une femme : je suis frappée par le baby blues, ou plutôt ce que j'appelerais le "booky blues".

Tu nous inventes des mots avec ton booky blues ?
Ben... Oui ! C'est surtout que, après avoir papoté avec l'auteur de polars Pascal Candia, j'ai pu un peu mieux comprendre ce que je ressentais en ce moment et un peu mieux l'accepter ! On parlait de baby blues du livre tous les deux, et le mot "booky blues" m'a paru adapté.

Allonge-toi là K.Rine, et dis-nous ce que tu ressens...
Z'êtes trop aimables... LOL...
Et bien, je suis "le cul entre deux chaises" comme aurait dit ma grand-mère. D'un côté je viens de lâcher Marjolaine, mais son avenir me semble toujours incertain puisque je n'ai pas encore eu l'accord définitif du comité de lecture (ça me tarabuste, pfff !). D'un autre côté, l'idée du l'arbre de Johanne a vu le jour et Michel en attend le plan avec impatience. Mais... Je n'arrive pas à m'y mettre. Je sors de deux mois d'écriture acharnée, ai-je besoin d'un break ? Sans doute. Mais j'ai aussi besoin de savoir si toute cette aventure va aboutir réellement selon mes espérances. Du coup, stress, attente, impatience, et tout cela ne fait pas bon ménage avec l'écriture... ! Ce qui me rassure, c'est que beaucoup d'auteurs semblent éprouver cela, donc je n'ai rien de particulier (ouf !).
Alors c'est la phase du booky blues, la désagréable impression que je ne réussirai pas à faire mieux que Le roman de Marjolaine, l'appréhension de me relancer dans une nouvelle histoire dont je ne maîtrise pas encore tous les détails, la montagne de boulot qui me fait face et me nargue (si si ! Je le vois bien, elle me dit : "Alors, tu montes chérie ?") parce que L'arbre de Johanne va être un boulot bien plus conséquent que Marjolaine. Et si je n'y arrivais pas ? ! Horreur...
Bref, entre mon attachement à Marjolaine et le défi lancé par Johanne, je patauge un peu en ce moment.

Alors, vous me prendrez un comprimé de Bouleau le matin et deux de Scènes Zoo Cul Passion le soir...
Merci pour la prescription !
Effectivement, avec la période des livrets qui arrive, je crois bien qu'au niveau boulot (je parle de mon "vrai" boulot, celui avec lequel je gagne un peu de sous !) je vais être servie ! Des heures de corrections, de calcul de moyennes, et de commentaires à mettre en prévision ! Sans parler du rendez-vous avec les parents pour remettre ce sacro-saint livret !
Quant aux occupations, et bien cela me fait beaucoup de bien de reprendre ce blog. Non seulement pour mes séances de psychanalyse gratuites (LOL !), mais surtout parce qu'il me permet d'écrire sans penser à rien d'autre : alleluia !

Voilà, vous avez une fois de plus assisté à une phase peu glorieuse de la vie d'une écriveronne. J'oserai cependant conclure en disant que pour rien au monde je n'échangerais ma place, parce qu'écrire (ou ne pas écrire pour le moment !) c'est toujours vivre !
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21 novembre 2007 3 21 /11 /novembre /2007 09:27
Comme je vous l'avais dit, je vais mettre ici une partie de mon travail sur mon nouveau roman. Et je commence tout de suite, par un petit article que je pense assez court.

L'arbre de Johanne, ça raconte quoi ?
Ce sera l'histoire de Johanne (!), jeune femme qui s'apprête à fêter son 25ème anniversaire, et qui a découvert, lors de recherches généalogiques, que toutes les filles aînées de sa famille décédaient avant leur 26ème anniversaire. Malédiction ? Johanne y croit. Surtout que la fille aînée... C'est elle ! A contrario, sa mère et sa sœur trouvent toujours raisons très rationnelles pour expliquer certains des décès.
Parallèlement, Luc , un ami d'enfance avec qui elle avait fait les 400 coups, refait son apparition dans la vie de Johanne et tente de  lui redonner la joie de vivre qui l'habitait quand elle était enfant.
Les événements vont s'accélérer, et Johanne va très vite se retrouver un danger. Mais un flic veille...

Encore encore !
Non, je ne peux pas vous en dire plus car il va y avoir de nombreux rebondissements et je ruinerai votre plaisir de lire (et mon plaisir d'écrire !) si j'en raconte davantage... Donc, pour l'histoire, vous n'en saurez pas plus. Bien sûr, il est fort probablement que vous me grapillez quelques infos de-ci et de-là dans les mois à venir !

Mais alors, c'est un roman sentimental ?
Heu... Non ! (Ne me frappe pas Emeraude !). J'en ai longuement discuté avec Michel Champendal, et mon futur roman qui allie amour, action, enquête policière, et un peu de fantastique sera dit "roman d'aventure".
Pour moi, c'est un nouveau défi, car je ne me sens pas spécialement à l'aise dans les romans où une enquête doit être menée, mais je ne peux que progresser ainsi !

Bref, en ce moment je patouille dans le plan. Michel le veut à tout prix, il me motive le bougre, il me pousse !

Dès que j'aurai de quoi vous mettre sous la dent, je vous  ferai part de l'avancée du schmilblick : plan, fiches de personnages, de lieux, tout ça... (enfin, pas tout non plus sinon vous allez connaître l'histoire !) LOL

A très vite, chers blogonautes !
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18 novembre 2007 7 18 /11 /novembre /2007 11:30
Chers blogonautes,

"Chose promise, chose due" aimait dire ma grand-mère. Voici, avec l'accord des EMC, et pour notre plus grand plaisir mutuel (je l'espère !), la suite des aventures de Marjolaine.

J'attends bien évidemment toutes vos critiques (sans chichis !) en bas de cette page !


Je vous souhaite une très bonne lecture !


Chapitre 2

Marjolaine tergiversait dans sa chambre. Elle avait ouvert sa large armoire où s'alignaient, dans un ordre militaire, toutes ses affaires. Triées par genre et... par couleur! Encore une maniaquerie qu'elle tenait de sa mère! Après avoir laissé ses yeux errer sur la pile des jeans qu'elle affectionnait tout particulièrement, la jeune femme avait finalement tendu la main vers les quelques robes accrochées du côté de la penderie. Elle avait promis à sa tante d'aller à cette soirée, et elle tiendrait parole. Elle allait même faire son possible pour lui faire honneur. Elle attrapa donc une simple mais élégante petite robe noire qu'elle enfila sur le champ. Marjolaine capta son reflet dans le miroir de la porte intérieure de son armoire et ne fut totalement satisfaite. Certes, la robe dévoilait la courbe gracieuse de son cou et d'une grande partie de son dos, détournant habilement l'attention masculine de cette poitrine ronde qu'elle n'aurait jamais, mais elle restait  une "petite bonne femme" d'un mètre cinquante-cinq. Et il était hors de question qu'elle aille se percher sur des talons hauts! De toute façon, elle était incapable de marcher avec ce genre d'échasses! Elle attrapa donc une simple paire de balerines noires qui se mariaient cependant très bien avec sa robe. Avant de sortir de sa chambre à coucher, elle eut un regard navré vers son ordinateur : elle aurait mille fois préféré rester devant son écran ce soir. Ne travaillant pas demain, elle aurait pu se permettre de fignoler son tapuscrit jusque tard dans la nuit, peut-être même aurait-elle eu le temps de relire le début de la  seconde partie?

La sonnerie du téléphone la sortie de ses regrets. C'était tante Judith...

- Alors ma grande? Prête pour ton grand soir? fit la tata d'un ton enjoué.

"On croirait que c'est elle qui va aller à cette saleté de fête!" ne put s'empêcher de penser Marjolaine en retenant un soupir d'exaspération.

- Presque! répondit la jeune femme avec le plus d'enthousiasme possible.

- Bon, je sais que cela ne t'enchante pas trop... commença Judith.

"Ca s'entend tant que ça?" pensa ironiquement la romancière.

- Mais tu verras qu'un jour, tu me remercieras! conclut la femme d'un ton persuasif.

- Oui tata. Bon, si je ne veux pas être en retard, faut que je parte! coupa court Marjolaine, à la limite de l'agacement.

Quelques minutes plus tard, armée de son sac à main et de tout son courage, la jeune romancière quittait sans entrain son appartement.

La mer était haute. Elle roulait, presque en silence, sous le ciel étoilé. Dans une heure à peine elle reprendrait son éternel va-et-vient.

Dans sa petite voiture noire, Marjolaine longeait à faible allure la plage du port. Elle avait ouvert sa fenêtre malgré le vent automnal qui lui mordait la peau. Elle aimait cet endroit plus que tout au monde, et ce malgré tout ce qu'il recélait encore de souffrances. Le bruit des vagues qui s'échouaient sur la plage, le cri de quelques mouettes noctambules, et à présent le doux entrechoc des bâteaux contre les quais du petit port, tout lui était familier. Elle vivait ici depuis toujours, entourée par des parents attentifs bien que son métier amenât souvent sa mère à voyager.

Japonaise née au pays du Soleil Levant, puis éloignée des siens pour terminer ses études en France, Akasuki était tombée follement amoureuse de la Vendée et de son jeune et séduisant professeur de français. Elle avait très vite décidé de tout quitter pour rester dans ce pays qui la fascinait, en compagnie de l'homme qu'elle aimait et de la petite fille qui grandissait déjà dans son ventre. Marjolaine était née en avril, peu de temps avant la dernière partie des examens de la Maîtrise de français que convoîtait sa mère. La petite nippone, acharnée et persévérante, se tua à la tâche pendant les deux mois qui suivirent, bien décidée à réussir à s'occuper de son nouveau-né et à passer avec succès sa Maîtrise. Ce qu'elle fit au mois de juin de la même année.

Thierry, son père, attendait à l'entrée de la faculté, sa fille serrée contre lui, priant pour que sa femme, épuisée par le manque de sommeil, réussisse à convaincre le jury de son excellence. Quand elle descendit les marches du bâtiment, un paisible sourire flottait sur ses lèvres, rassurant immédiatement son époux. Jamais elle ne lui raconta son entretien, tout comme elle ne lui avoua jamais qu'elle avait eu une note excellente, bien supérieure à celle qu'il avait lui-même obtenu quelques années auparavant. Il était dans l'éducation des femmes japonaises de ne pas paraître meilleure que leur conjoint... Ce fût ainsi que sa mère entra dans une grande école qui fit d'elle une traductrice reconnue, maîtrisant parfaitement le français, le japonnais, mais aussi l'anglais et l'italien. Elle se mit à beaucoup voyager, emmenant parfois Marjolaine avec elle quand elle fut un peu plus grande.

Cependant, la jeune Marjolaine comprit très vite qu'elle ne souhaitait pas mener une vie aussi trépidante que celle de sa mère. Elle aspirait au calme et, contrairement à beaucoup de ses compatriotes, ne sentait pas en elle une ambition démesurée. Ce fut pourquoi, lorsque sa tante Judith l'emmena sur ses pas découvrir le métier d'infirmière, Marjolaine y trouva rapidement tout ce à quoi elle aspirait : un travail utile, méticuleux, où elle pourrait rester elle-même...

Parallèlement, Thierry, bienheureux père et mari, continuait de donner ses cours dans l'université où il avait rencontré Akasuki. Il se débrouillait plutôt bien avec sa fille en l'absence de sa femme, et se permit même de prendre quelques congés pour les suivre au Japon lorsque Marjolaine eut treize ans.

Ce voyage resta graver dans la mémoire et le cœur de l'adolescente comme la plus fabuleuse des rencontres de sa vie : celle de ses origines. Elle découvrit une partie de sa famille maternelle qui l'accueillit avec chaleur, ignorant ses difficultés à parler leur langue, riant avec elle, pleurant longuement lors de son départ. Elle se jura de retourner dans son nouveau pays de cœur dès qu'elle serait adulte...

"Mais la vie en décide parfois autrement" se dit Marjolaine en quittant le port pour s'engager dans une rue qui sentait bon le sapin.

Au cœur d'une petite pinède, la salle des fêtes apparut toute illuminée et déjà bruyante. Marjolaine engagea sa voiture sur le parking déjà plein et trouva une place tout au bout, sous les pins. Elle coupa le moteur et posa ses mains sur le volant pour tenter de calmer sa respiration qui s'accélérait déjà. La fête des dix ans de la promo...

En avance sur son cursus scolaire, Marjolaine avait à peine plus de seize ans quand elle avait passé son bac. Et cette année restait marquée dans sa mémoire comme la pire de ton son parcours scolaire. Sa jeunesse avait sucité des jalousies auprès des autres filles de la classe qui la prirent très vite en grippe. Les garçons, quand à eux, se moquaient bien de ce petit morceau de femme, plate comme une crêpe, et qui ne pouvait rivaliser avec les beautés européennes, grandes, élancées, montées sur talons, et terriblement maquillées.

Un soir, sa mère la surprit en larmes dans sa chambre. Bien vite, Marjolaine tenta de masquer sa tristesse, mais sous son attitude stricte, Akasuki cachait un cœur immense et une réelle empathie. Contre toute attente, elle incita Marjolaine à lui livrer combien elle souffrait d'être la plus jeune, d'avoir un corps d'enfant, du regard moqueur des filles de sa classe et indifférent des garçons. Akasuki écouta, longtemps, patiemment, essuyant parfois une larme qui roulait de nouveau sur la joue de sa fille, ou attendant sans ciller que certains sanglots se taisent. Puis elle lui confia fille combien elle était fière d'elle, et que sous le pelage noir d'un oiseau se cachait souvent un magnifique cygne. Ce n'était pas grand-chose. Mais Marjolaine comprit à mi-mot que sa mère avait vécu ce qu'elle vivait actuellement quand elle était arrivée en France. Et cette différence se mua en force. L'adolescente releva le menton, décidée à ne plus jamais laisser les autres influencer ses émotions.

Et là, au volant de sa voiture, elle sentait combien il lui faudrait encore faire d'efforts, même dix ans plus tard, pour affronter le regard de ses anciens camarades de lycée. "Je peux être fière de moi" se dit-elle en descendant de sa voiture. "Je suis une bonne infirmière. J'écris mon premier roman. Je vaux autant qu'eux!".

Une petite décapotable rouge pénétra dans le parking à cet instant, et, ne cherchant même pas à trouver une place, se gara derrière deux véhicules déjà stationnés. Une grande femme brune en sortie, très mince, habillée d'une robe rouge éclatante même en pleine nuit et d'un collier en diamants qui brillaient de mille feux. Marjolaine, les yeux écarquillés, se demanda si les pierres étaient vraies... "Ne sois pas idiote, un pareil collier est hors de prix, même pour elle".

Elle, c'était Anabelle Givard, la pire peste que le lycée n'ait jamais accueillie, selon Marjolaine. Anabelle était toujours très entourée, et critiquait ouvertement tous les élèves. Elle faisait la pluie et le beau temps dans toutes les classes de terminal. Les garçons lui obéissaient comme autant de petits chiens dociles, les filles la craignaient même quand elles étaient censées compter parmi les amies d'Anabelle. Anabelle, la tyrannique, eut vite fait de s'en prendre à Marjolaine qui, du haut de ses seize ans et nimbée de complexes, ne trouvait pas grand-chose à répondre à ses attaques.

Et voilà que ce que la jeune romancière appréhendait le plus était en train de se produire : Anabelle serait présente ce soir, et, à priori, n'avait pas changé d'un pouce si ce n'était qu'elle semblait encore plus sûre d'elle et écrasante que dix ans plus tôt. Et Marjolaine ne doutait pas qu'Anabelle ferait tout, ce soir, pour la rabaisser une nouvelle fois.

Anabelle venait de pénétrer dans la salle des fêtes, et déjà une clameur s'élevait pour l'accueillir. Marjolaine sentit sa gorge se nouer : et si elle n'y allait pas? Après tout, sa tante n'en saurait jamais rien! "Et ta parole?" lui souffla la désagréable petite voix de sa conscience. Ses parents lui avaient appris le prix d'une parole donnée, et elle eut la certitude qu'elle était trop honnête pour mentir à sa tante Judith... D'un autre côté, elle pouvait aussi ne faire qu'un bref passage à la fête : elle avait promis d'y aller, pas d'y rester des heures! Une entrée discrète, un petit coucou rapide à quelques têtes dont elle ne se rappellerait certainement pas les noms, et qui, réciproquement, ne se rappellerait pas du sien, et le tour serait joué. Si elle se faisait suffisamment discrète, elle avait même une chance d'éviter Anabelle...

Marjolaine respira un grand coup en relevant le menton : allez, en avant! Elle commençait à peine à traverser le parking quand elle aperçut un homme marcher d'un pas vif vers l'entrée de la salle des fêtes. Sa haute silhouette parut familière à Marjolaine, mais elle dut attendre qu'il passe sous les projecteurs de l'entrée pour qu'elle le reconnaisse : l'inconnu de la crêperie! La jeune romancière, surprise par le tour que lui jouait le destin, se mit à trottiner vers l'entrée : si elle avait décrit ça dans son livre, elle se serait auto-censurée en pensant que c'était trop improbable!

La musique était déjà forte pour un début de soirée, surtout pour Marjolaine qui n'était pas habituée à sortir. Elle reconnut sans peine les titres diffusés sur les radios dix ans plus tôt. La salle était assez vaste mais déjà bien remplie, ce qui rassura la jeune femme : son entrée n'en avait été que plus discrète. Elle repéra immédiatement Anabelle Givard, au milieu d'un petit attroupement. Par réflexe, Marjolaine baissa la tête et se plaça dans son dos pour éviter son regard. Elle s'approcha du buffet où toute une variété de petits plats simples mais appétissants étaient proposés aux convives. La jeune femme s'absorba dans la contemplation de la charcuterie, sachant à l'avance qu'elle ne pourrait rien avaler. Puis son regard se porta sur l'estrade où un groupe pop-rock reprenait les vieux tubes. Les organisateurs avaient vraiment fait ça bien : ballons, cotillons, boules à facettes et lumières de toutes les couleurs... "On se croirait dans une boîte de nuit" se dit Marjolaine. Enfin, c'était ainsi qu'elle imaginait ce lieu où elle n'avait jamais mis les pieds!

- Marjo?

La voix, qui avait un accent familier, la fit pourtant sursauter. Elle se retourna pour découvrir un visage de femme dont les traits éveillèrent elle de vieux souvenirs de cinéma et de glace au chocolat... Elle hésita un instant avant de demander, presque timidement :

- Sophie?

Les yeux vert pâles se moquaient déjà gentiment, comme autrefois, de Marjolaine. Toute l'espièglerie du monde passait dans ce regard à l'émotion à fleur de peau.

- Ben oui! Tu m'reconnaissais pas, hein?! Faut dire qu'avec 3 enfants et 20 kilogs de plus...

Marjolaine sourit avec plaisir : sa seule amie du lycée était là! Celle qui avait su rester auprès d'elle malgré la méchanceté des autres filles, celle qui avait pris sa part de quolibets juste parce qu'elle était l'amie de Marjolaine... Celle aussi qui s'était enfuie trois jours avant son bac de philo avec l'homme de sa vie...

Sophie lui ouvrit spontanément les bras et les deux amies s'étreignirent avec émotion. Les dix ans d'absence s'effacèrent en un battement de cœur. Alors qu'elle se reculait pour mieux détailler cette rousse joviale qui était, à n'en pas douter, toujours son amie, Marjolaine tressaillit : à ses côtés, se tenait l'homme de la crêperie. Elle déglutit péniblement, cherchant dans ses lointains souvenirs l'image de Pierre qui avait volé de cœur de Sophie lors de son année de terminale. Pierre était châtain et grand, et si cet homme... Leurs regards s'accrochèrent une nouvelle fois et il esquissa un sourire amusé. S'était-il aperçu de son trouble? Cet homme, à n'en pas douter, connaissait son pouvoir sur les femmes. Si c'était bien Pierre, il n'était pas étonnant que Sophie ait tout abandonné pour lui...

Marjolaine reposa les yeux sur Sophie, prête à lui poser la question qui lui brûlait les lèvres, mais elle s'aperçut que son amie était déjà partie dans une longue tirade dont elle avait loupé le début :

- ... bref, incroyable! J'ai pensé un instant que je rêvais, mais c'était bien elle! Décidément, elle ne changera jamais! Elle m'a vue, tu penses, mais elle ne m'a pas adressé le moindre bonjour. Quelle pimbêche! Attends qu'elle ait des enfants et prenne vingts kilogs, ça va lui remettre la tête à l'endroit! Et attends, je ne t'ai pas raconté le plus drôle! J'étais à peine arrivée que...

Stop! Il fallait qu'elle l'arrête! Il fallait qu'elle lui demande des nouvelles de Pierre, oui, c'était ça! Ainsi elle saurait pour cet homme... Marjolaine glissa de nouveau un regard en biais. Toujours aux côtés de Sophie, légèrement en retrait, il ne l'avait pas quittée des yeux, arborant toujours ce léger sourire moqueur. Visiblement, la situation ne lui avait pas échappé et, plutôt que d'aider Marjolaine en se présentant de lui-même, il trouvait plus amusant de la laisser se dépêtrer avec le verbiage de son amie... La jeune femme se sentit rougir sous le regard clair de l'inconnu.

- ...Et c'est là que Mathieu est arrivé! continuait Sophie, qui semblait décidée à combler en dix minutes dix ans de silence

Marjolaine saisit la balle au bond pour reprendre la parole :

- Ah oui!! J'me rappelle!! Le type boutonneux avec l'appareil dentaire! fit-elle rapidement, dans l'espoir de rebondir sur Pierre. Pauvre gars, je me demande ce qu'il est devenu! C'est com...

- Je vais bien, coupa l'inconnu d'une voix grave et douce.

Marjolaine eut la désagréable impression de recevoir un seau de glaçons sur la tête avant de sentir le feu de la honte l'envahir toute entière. Non, c'était impossible! Elle dévisageait, bouche bée, l'homme qui lui faisait face, cherchant des indices de son passé peu avantageux. Mathieu était grand, mais elle ne se souvenait pas qu'il avait un regard aussi... aussi... La romancière pria soudainement pour qu'un cataclysme se produise, là, tout de suite : qu'elle soit avalée par une terrible fissure résultant d'un tremblement de terre spontané.... Mais il n'y avait pas de tremblements de terre en Vendée. Aucun événement ne lui permetrait d'échapper à son terrible malaise. Quelle bourde! Décidément, elle n'était pas faite pour vivre en société! Peut-être que si elle s'excusait et s'enfuyait en courant...

Mathieu lui tendit la main, apparemment de plus en plus amusé.

- Je suis heureux de te revoir, Marjolaine, fit-il d'une voix qui sembla s'attarder sur son prénom comme s'il le goûtait pour la première fois.

- Tu portais... des lunettes, bégaya stupidement Marjolaine, incapable de détacher ses yeux de ceux de Mathieu.

Sa main était chaude et enveloppante. Marjolaine avait du mal à se ressaisir... Il rit de bon cœur.

- Oui, d'affreux trucs noirs et épais!

Il lâcha la main de Marjolaine. Elle frissonna comme si elle avait froid.... Elle se tourna vers Sophie pour avoir un peu de secours, mais cette dernière avait dans les yeux une lueur moqueuse et se pinçait les lèvres pour ne pas rire. Visiblement, l'embarras de Marjolaine ne lui avait pas échappé.

- Ouh, quelle chaleur, fit-elle soudainement. Je vais nous chercher quelque chose à boire!

Marjolaine regarda son amie s'éloigner, les épaules secouées par un rire trop longtemps retenu. Elle fit de nouveau face à Mathieu.

- Je suis désolée... commença-t-elle.

- Tu étais à la ... fit-il en même temps.

Sourires. Marjolaine replongea avec délice dans le regard de Mathieu. La musique autour d'elle semblait plus douce, les gens se déplaçaient avec lenteur. Comment Mathieu avait-il pu autant changer? Qui aurait pu prédire qu'il deviendrait un tel cygne? La jeune femme sentit les battements de son cœur se précipiter un peu plus encore...

- Je suis désolée pour les boutons et les lunettes, fit Marjolaine avec sincérité.

- Tu es pardonnée. Et puis tu ne faisais que dire la stricte vérité. C'est bien toi que j'ai vue à la crêperie de Lucette, n'est-ce pas? enchaîna-t-il.

- Oui. J'habite à côté, et c'est un endroit où j'ai mes petites habitudes...

- Je comprends, Lucette est tellement adorable. Quand j'étais gamin, mes parents avaient l'habitude de m'emmener dîner chez elle tous les mardis soir. Je prenais invariablement la même chose : une crêpe salée et la fameuse "profiterolle selon Lucette".

- Elle est délicieuse!! Mais j'avoue avoir une préférence pour la normande.

- Celle avec les pommes et la cannelle? C'était la préférée de ma sœur!

Sophie arriva avec trois verres de sangria. Elle lança un discret clin d'œil à Marjolaine qu'elle trouvait toujours un peu trop rose.

- Tu es donc restée en Vendée, reprit Mathieu. Tu fais quel métier?

- Je suis infirmière dans une maison de retraite. C'est pas facile tous les jours, c'est vrai, continua-t-elle devant la grimace de ses amis, mais j'y ai rencontré des gens absolument charmants et très attachants.

- Je me souviens que tu écrivais des nouvelles, fit Sophie en avalant une gorgée de sangria. J'aurais parié que tu serais devenue écrivain ou journaliste! Ne me dis pas que tu as arrêté d'écrire...

Marjolaine ne remarqua pas le regard soudain suspicieux de Mathieu.

- Et bien, fit-elle un peu gênée, en fait je suis en train d'écrire mon premier roman... Mais je n'ai pas trop envie d'en parler, il n'est pas terminé.

- Oh c'est une superbe nouvelle ça! fit Sophie, enthousiaste. J'adorais lire tes nouvelles!

- Tu étais bien la seule! se moqua Marjolaine.

- Evidemment, il n'y a qu'à moi que tu les donnais à lire! lui cloua le bec Sophie.

Elle avait en partie raison. Marjolaine, qui aimait depuis son enfance inventer des histoires, avait découvert à l'adolescence le plaisir de les coucher sur le papier. Elle gardait ses écrits pour elle, du moins au début, n'osant pas les montrer à qui que ce soit. Puis, au lycée, quelques proches amis l'avaient persuadée de les laisser les lire. Les retours positifs avaient incité Marjolaine à continuer ses écrits, mais elle n'ignorait pas que l'opinion de ses amis était faussée par le lien qui les unissait. Jamais elle ne saurait vraiment ce qu'elle valait tant qu'elle n'aurait pas osé déposer l'un de ses récits dans la boîte aux lettres d'un éditeur. Et cela, elle n'avait jamais eu le courage de le faire. Prétextant de laisser ses textes mûrir, elle fuyait devant un possible échec, craignant d'y perdre son goût pour l'écriture. Mais le Destin en avait décidé autrement...

- Et de quoi parle ton roman? demanda Mathieu d'une voix étrangement froide.

- C'est une saga familiale qui débute au Japon et se poursuit en France, lui répondit Marjolaine, surprise qu'il semblât se désintéresser de la conversation.

- Ah, très bien.

Faisait-il partie de ces personnes que la présence d'un auteur dérangeait? Avait-il peur de se retrouver croqué dans les pages de Marjolaine? Son atittude plus distante déçut Marjolaine : "Un beau cygne peut être resté un vilain petit canard, à l'intérieur..." se dit-elle.

- Et tu as un éditeur? questionna Sophie qui ne s'était pas rendue compte de la gêne de Mathieu.

- Oui et non, lui répondit la jeune romancière en reportant son attention sur son amie. Je suis passée chez les Editions Dascaux. Ils m'ont dit être intéressés par mon roman, mais encore faut-il qu'ils l'acceptent. Je dois voir l'un de leur conseiller dans quelques jours. On verra bien!

- Et toi, Mathieu, tu fais quoi dans la vie? fit Sophie qui semblait bien décidée à mener la conversation à sa manière.

Il n'eut pas le temps de répondre. Son regard se porta derrière Marjolaine juste avant qu'une voix d'une sensualité contrôlée ne s'élève dans son dos.

- Alors, comme ça Mathieu est venu à notre petite sauterie?

Marjolaine sentit tous ses muscles se raidirent et dût lutter contre l'envie de prendre ses jambes à son cou. Anabelle Givard venait d'apparaître à ses côtés...
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17 novembre 2007 6 17 /11 /novembre /2007 20:00
Je le reconnais : je suis une bavarde impénitente. Et les nombreuses phases d'angoisse que j'ai traversées durant l'écriture du Roman de Marjolaine ne m'ont pas cloué le bec, loin de là ! Mais vers qui me tourner ? Vous, bien sûr, chers blogonautes, mais hélas certaines de mes interrogations restaient sans réponse...

Heureusement, dans la vie d'un écrivain, il y a un éditeur. Si si : toujours ! C'est Michel qui me l'a dit : quand un livre est bon, il y a toujours quelque part un éditeur prêt à épauler un écrivain. Le tout étant que les deux se rencontrent... Et vous le savez, j'ai eu beaucoup de chance de ce côté !

A quoi ça ressemble un éditeur ?
Heu... Personnellement, j'imaginais un homme strict, sévère, son troisième œil impitoyablement posé sur cet être qui tentait de devenir un modeste auteur, tandis que ses deux autres yeux feuilletaient rapidement le début du tapuscrit ... "C'est pas bon !" devait être sa phrase fétiche, à n'en pas douter !
Et bien ma fantasmagorie se plantait complètement ! Ai-je eu de la chance ? Sans doute, mais je ne pense pas que ce personnage d'éditeur que j'ai rencontré soit unique en son genre (sinon autant se tirer une balle tout de suite, je vous préviens !). Non, des éditeurs accueillants, il en existe forcément d'autres, il en existe forcément pour chacun des écrivains qui tentent de se faire publier !

C'est qui ton éditeur ?
Michel Chapendal est un homme bien. Au sens large du terme. Un éditeur consciencieux qui ne balance pas ses critiques sans les argumenter, sans prendre soin de l'âme de ses auteurs, aussi modestes et inconnus soient-ils. Il les aime, ses écriverons, Michel, ça se sent ! Il est prêt à répondre à la centaine de courriers que certain(e)s sont capable de lui envoyer en deux mois parce qu'ils / elles paniquent complètement devant leur texte (Pardon Michel !). Il prend du temps pour les appeler au téléphone. Il leur fait part au plus vite des compte-rendus des comités de lecture, car il sait combien le stress est néfaste pour la production d'un auteur. Bref, il les bichonne !

On se sent bien aux EMC...

A quoi il sert ton éditeur ?
Bien sûr, même si Michel annonce d'une voix claire à mon mari qui décroche (pour une fois !) le téléphone "Bonjour, je cherche à parler à Karine Carville. C'est Michel Champendal, son éditeur", pour le moment rien n'est encore fait. Bon, je reconnais que l'on s'est bien marré en entendant ça  : "son éditeur", c'est la classe ! ! LOOL ! ! Mais rassurez-vous, j'ai les pieds bien ancrés sur terre : pour le moment, le comité de lecture n'a pas lu la fin du Roman de Marjolaine, et ne rendra sans doute pas son vote définitif avant mi-décembre. Et rien n'est signé avant cela !
Je pourrais donc très bien me retrouver sans éditeur. Là, si je vous dit un truc du genre "qu'importe", vous ne me croirez jamais, hein ? Et pourtant... Je serai sans éditeur, mais je serai toujours avec Michel, et cela est un énorme plaisir que d'avoir un tel interlocuteur !
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17 novembre 2007 6 17 /11 /novembre /2007 08:17
Ci-gît mon regretté ami Enrick Cavallier, mon protecteur anagramme qui fut mon bouclier.
Je le remercie de m'avoir tenu la main dans l'ombre jusqu'à ce que je sache marcher seule.
Aujourd'hui, je n'ai plus besoin de sa présence, je dirai même qu'il commençait à m'importuner : toujours là, prêt à signer à ma place mes moindres écrits... Quelle plaie ce mec !
Alors, je m'en suis débarrassée... Oui, cher Jurés, je plaide coupable : j'ai assassiné , voici quelques minutes, mon pseudonyme ! J'ai eu peur un instant de perdre une partie de moi, mais c'était moi qui était une partie de lui !
Maintenant que je sais que je peux écrire des textes corrects, je n'ai plus envie de me cacher : l''écrivain est mort, vive l'écrivain ! Je suis prête à tenter ma chance sans me cacher derrirère Enrick, et tant pis pour les baffes qu'il aurait pu prendre à ma place.
Alors merci pour tout, mon cher Enrick Cavallier, et sans doute adieu : ce bouton "Publier" que je clique sera comme le lourd couvercle que l'on referme sur ton cercueil . Te voici mort, et enterré !
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16 novembre 2007 5 16 /11 /novembre /2007 07:25
Bonjour à tous mes blogonautes !

Le gros souci avec l'écriture, c'est qu'on ne s'arrête jamais d'écrire et, comme je l'expliquais dans un précédent article ici, l'angoisse du mot "fin" est principalement dûe à cette impression de vide qui s'en suit avec une unique question : "que vais-je ensuite raconter comme histoire ?"

Et bien la question est résolue !

J'ai en tête un nouveau roman encore mieux que le précédent (c'est aussi cela que j'aime avec l'écriture : j'ai toujours l'impression d'aller de l'avant !). Comme me l'a suggéré Michel Champendal dont je vous invite à aller découvrir le site des EMC ici même, je vais vous livrer sur ce blog mon travail autour de ce roman : plan, charpente, fiches de descriptions, et extraits bien sûr ! Bref, vous n'aurez certes pas tout le contenu de mes écrits, mais cela vous donnera une idée de la façon dont je travaille et ainsi nous pourrons, je l'espère, avoir des échanges fructueux sur nos méthodes respectives ! Quant aux blogonautes qui n'écrivent pas (encore) et bien cela leur donnera peut-être envie de se lancer !

Mais allons droit au but : mon prochain roman s'intitulera "L'arbre de Johanne" (après "Le roman de Marjolaine" hi hi hi). Croyez-vous aux mélédictions ? Pensez-vous qu'une jeune femme puisse incurver la courbe fatale de sa destinée ? Je vous en dirai plus dans quelques temps...
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14 novembre 2007 3 14 /11 /novembre /2007 00:00
Je me suis demandée si cela valait la peine de prendre mon blog pour un cabinet de psychanalyse (gratuit !) et de vous parler de ce qui suit, mais au vue de ce que je viens de découvrir, et comme je sais que beaucoup d'entre vous, chers lecteurs, êtes tout aussi passionnés que moi par l'écriture,  je vais tout de même vous livrer mes états d'âme qui, apparemment, n'ont rien de très révolutionnaires dans le milieu de l'écriture (autant vous prévenir tout de suite !)...

Mon roman sentimental avance bien. Même mieux que ça puisque je suis en train de rédiger l'ultime chapitre... Et là, depuis vingt-quatre heures, grosse angoisse : je suis partagée entre l'envie de finir ce roman, de le boucler, de voir apparaître le mot fin pour avoir le plaisir de le relire entièrement ; et l'angoisse de l'après-roman. Quid de la suite ? Sera-t-il réellement publié ? Que vais-je faire de mes longues soirées d'hiver sans ce merveilleux projet qui m'habite depuis maintenant bientôt deux mois ?

Alors je tente de trouver des solutions de remplacement : certainement devrais-je terminer ma nouvelle "Classe 1" lancée sur ce blog et en souffrance depuis de longues semaines... ou bien reprendre mon précédent roman qui est lui aussi mis de côté, et le retravailler à la façon dont j'ai travaillé le roman pour les EMC... Alors quoi, K.Rine, tu vois bien que tu as plein de choses à faire, crénom !

Et pourtant, non, rien à faire, je me sens insatisfaite. J'ai envie de garder encore en moi la formidable excitation de l'écriture pour les EMC : se savoir lue par des pros, ça motive sacrément, croyez-moi ! Les émotions sont très présentes, bonnes ou mauvaises, et on se sent Vivre, avec un grand V ! Et là, avec le mot "fin" qui s'approche inexorablement, je me sens inutile.

Oui, je sais : va falloir retravailler le premier jet, corriger, relire 20 000 fois, argumenter certains choix, peut-être modifier des parties du texte, mais la part de création est terminée. Le plaisir de faire découvrir mon histoire à mes lecteurs du moment va disparaître. Et déjà, bêtement, je sens que ce livre n'est plus à moi. Attention : ce n'est pas un déchirement ou une souffrance quelconque. Je dirais même que c'est apaisant de savoir que ce travail semble plaire et va passer à présent (je l'espère !) dans d'autres mains, sous d'autres yeux. Mais je me demande quoi inventer maintenant... Et surtout, dans quel but ? Vais-je recommencer à écrire pour mes amis proches et vous, chers lecteurs de ce petit blog ? Ou autre chose de plus palpitant m'attend-il ?

Comment ça je mets la charrue avant les bœufs ? LOOL ! Non, ce que je veux juste expliquer, c'est que je vis difficilement sans projet, quel qu'il soit. Je serais sans nul doute heureuse de reprendre le chemin de mon train-train d'écriveronne du dimanche (enfin, plutôt d'un peu tous les soirs !) : ce chemin, je le connais bien et il me demande peu d'effort. Mais, bien sûr, je serais encore plus heureuse de me lancer dans une nouvelle aventure avec les EMC ! Même si je dois avouer que ces derniers temps les nuits sont courtes et les réveils difficiles ! LOL  ! Mais j'ai l'impression de vraiment profiter de la vie, c'est très chouette ! Comme m'a dit un de mes amis : "Tu dois avoir de sacrées poussées d'adrénaline !"

Bref, quoiqu'il en soit, il va falloir que je me décide pour ne pas laisser la machine à écrire refroidir !

J'ai parlé de ce ressenti à Michel Champendal qui m'a promis de me donner des pistes de travail stimulantes et m'a affirmé que ce que je ressentais actuellement était classique chez n'importe quel écrivain (je vous avais prévenus : rien de révolutionnaire !). Voilà pourquoi j'ai osé vous en parler : car vous aussi, un jour, serez peut-être confronté à cette situation !

Le conseil de Michel est de me remettre très vite au travail sur un autre roman afin d'aller taper à la porte de nouveaux éditeurs, sachant qu'il ne pourra pas éditer 20 romans de moi dans sa petite maison d'éditions (comment ça "encore faudrait-il que tu en écrives 20" ? ! LOL). Et parallèlement, il me conseille aussi de continuer à produire sur ce blog qui deviendrait une vitrine de mon écriture (c'est déjà un peu le cas, je trouve), en plus professionnelle...

Donc finalement, je ne suis pas si désœuvrée que cela ! Et puis je dois surtout bien me rappeler que le plus important pour moi ça a toujours été d'écrire, tout simplement...
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10 novembre 2007 6 10 /11 /novembre /2007 15:27
Chers Blogonautes,

avec l'accord de mon (je l'espère !) futur éditeur, les Editions Michel Champendal, je vous livre ci-après le premier chapitre du roman que je suis en train de terminer d'écrire. Sachez que le titre n'est pas encore définitif, et excusez par avance les quelques erreurs orthographiques qui peuvent encore subsister, ceci n'étant, en réalité, qu'un premier jet assez épais.

Très bonne lecture !

Dans l'attente de vos critiques...


CHAPITRE 1

Marjolaine s'arrêta un instant sur le palier du premier étage, exténuée. C'était l'étage de trop sur sa longue garde d'infirmière de 48 heures qu'elle avait passé à courir d'un service à l'autre. Elle avait été la seule infirmière disponible sur toute la maison de retraite, ses deux collègues ayant attrapé une vilaine gastro. "Si elles n'étaient pas allées se goinfrer à ce ridicule cocktail de bienvenue du nouveau patron, ce ne serait pas arrivé", songea Marjolaine, un brin amère, tandis qu'elle cherchait désespérément ses clefs dans son petit sac à main. Mais ces dernières semblaient se jouer de ses doigts engourdis par la fatigue. Elle réussit finalement à attraper son trousseau, et ouvrit la porte de son appartement en concluant que son nouveau patron avait dû être malade lui aussi et que c'était une punition méritée. N'avait-il pas supprimé deux postes d'aide-soignante, imposant de fait une surcharge de travail aux infirmières ?

Par habitude, Marjolaine accrocha son sac à main et sa longue veste en laine noire au dos de la porte d'entrée à présent close. Elle soupira. Elle était chez elle. Enfin. Fourbue, les jambes lourdes, le dos douloureux d'avoir dû manipuler seule Monsieur Raymond qui s'était obstiné toute la journée à enlever son change, prétextant qu'il avait passé l'âge de porter des couches, une grande lassitude s'empara d'elle. Ce n'était pourtant pas le moment de s'affaler sur le canapé qui lui tendait les bras depuis le salon, juste en face de la porte d'entrée. Elle devait s'occuper de son courrier, de trouver quelque chose à manger, de faire tourner une lessive, et de passer un bon coup d'aspirateur dans l'appartement. Certes, elle aurait pu le faire demain. Mais demain était une journée de repos. Et le repos était sacré pour Marjolaine car il annonçait le seul moment où elle pouvait travailler sur le grand projet qui l'habitait depuis près de deux ans : son premier roman.
A la pensée de son livre en attente sur l'ordinateur, son corps se remplit d'une énergie nouvelle. Demain, elle passerait la journée à avancer sur son tapuscrit. Demain, elle retrouverait cette femme magnifique qu'elle avait inventée et qui luttait actuellement entre la vie et la mort. Demain, elle ferait arriver à son chevet le beau Jonathan, et il accepterait de pratiquer l'opération qui la sauvera. Demain... ? Pourquoi attendre aussi longtemps ?

Ce fut comme si sa lassitude s'était envolée, comme si son dos n'avait pas souffert des caprices de Monsieur Raymond, comme si sa garde de 48 heures n'avait laissé aucune séquelle dans son corps. Marjolaine prit tout juste le temps d'enfiler ses chaussons et attrapa dans le congélateur un plat surgelé tout prêt. Elle ôta l'emballage en carton. Le micro-onde ferait le reste ! Tandis que le ronronnement du four emplissait déjà la cuisine, la jeune femme traversait son salon sans un regard pour les katanas accrochés au mur autour d'un arc au carquois bien rempli. Elle attrapa une petite bassine pleine de linge sale à l'entrée de sa chambre et, s'adressant inopinément à son ordinateur encore éteint dans un coin de la pièce, lui lança un complice "J'arrive... !" d'une voix enjouée. Elle repartit vers la salle de bain, amusée par son brin de folie : "Parler à son ordinateur ! Ma pauvre fille, ça ne va pas mieux !", se dit-elle sans se prendre au sérieux. La machine à laver fut mise en route avec autant de rapidité que le micro-onde. Marjolaine refusait de consacrer son temps libre au tâches ménagères, mais fille d'une japonaise élevée dans les traditions de sa famille, elle avait hérité de sa mère le sens de la rigueur et de la discipline. Il n'était donc pas non plus question pour elle de vivre dans un endroit sale ou mal rangé. Elle attrapa l'aspirateur, calculant mentalement que si elle faisait assez vite le micro-onde n'aurait peut-être pas sonné avant qu'elle n'eut fini. Ce fut vite fait. Mais bien fait. Sa mère n'aurait certainement pas apprécié que Marjolaine ne fût pas un peu plus perfectionniste dans son ménage, mais la jeune femme avait appris au fil des années à ne pas reproduire l'attitude qu'elle jugeait trop stricte de sa mère. La propreté, oui ! Les corvées interminables, non !

Marjolaine terminait de passer l'aspirateur quand une sonnerie retentit. Ce n'était pas le réconfortant appel du micro-onde qui invitait à passer à table, mais la mélodie du téléphone. La belle énergie de Marjolaine sembla s'envoler tout à coup quand elle lut le nom de sa tante Judith sur le combiné. Elle savait à l'avance que sa tante allait la relancer, encore, pour la soirée de la promo. A la troisième sonnerie, Marjolaine décrocha, bien décidée à ne pas se laisser faire...

- Salut tata!

- Bonjour ma grande! fit une voix fine et guillerette. Tu n'es pas trop fatiguée? Une garde de quarante-huit heures, ma pauvre, quel enfer! Je me rappelle quand j'étais infirmière au CHU, je n'avais qu'une envie en rentrant c'était d'aller me coucher!

- Non, ça va, mentit Marjolaine qui, soudainement, avait très envie, elle aussi, d'aller se coucher.

- Bon, et bien c'est le principal!

Il y eut un court silence.

- Mais je ne t'appelais pas pour ça, reprit tante Judith de sa voix alerte. Je me demandais si tu t'étais trouvée une robe pour samedi soir...

- Ah non, tata! Tu ne vas pas remettre ça sur le tapis! s'emporta immédiatement Marjolaine.

Elle s'en voulut du ton un peu rude qu'elle avait employé. Sa tante ne cherchait que son bonheur, et ne méritait pas qu'elle l'agresse ainsi...

- Je veux dire, reprit-elle plus doucement, tu sais très bien que je n'ai pas envie d'y aller, tata. Pourquoi tu m'en reparles à chaque fois?

- C'est juste que tu sors si peu. Tu passes ta vie enfermée avec des vieux ou cloîtrée chez toi avec ton fichu bouquin. Je me rappelle quand j'avais ton âge, enfin non, quand j'avais ton âge j'étais déjà mariée... Mais j'aimais sortir ! Et c'est comme ça que j'ai connu ton oncle. Ah, je me rappelle que l'on avait passé une merveilleuse première soirée ensemble...

Tandis que Tante Judith s'accordait une pause pour revivre sa rencontre avec l'homme de sa vie, Marjolaine ravalait péniblement sa remarque sur le "fichu bouquin" qui l'empêchait de vivre la sienne. Sa tante serait-elle un jour capable de comprendre qu'au contraire, il n'y avait qu'en compagnie de ce "fichu bouquin" qu'elle avait l'impression de vivre, d'être elle-même, de pouvoir enfin se laisser aller ?

- Bref, fais-moi plaisir ma chérie, je t'en prie, juste cette fois : va à cette fête de promo! supplia tout à coup sa tante.

- Mais tata je...

- Tu sais, la coupa tante Judith d'une voix rendue sourde par l'émotion, je me suis promise de veiller sur toi depuis que mon frère et ta mère... Enfin, depuis qu'ils nous ont quittés... Et je voudrais tellement te voir heureuse en compagnie d'un homme qui pourra veiller sur toi quand je ne serai plus là...

Marjolaine aurait aimé répliquer, lui dire combien elle était déjà heureuse, même si aucun homme n'occupait sa vie, lui expliquer, pour la centième fois peut-être, qu'elle devait mener à bien son projet de roman avant de penser à autre chose, mais une boule lui avait noué la gorge. Elle prit une longue inspiration, ferma un instant ses yeux noirs, et réussit à retrouver l'usage de sa voix.

- D'accord tata, s'entendit-elle dire. J'irai samedi soir à cette fête.

Sa tante reprit quelques minutes son verbiage redevenu léger et joyeux, puis raccrocha. La sonnerie du micro-onde retentit. Mais Marjolaine n'avait plus tellement faim...


Les doigts fins couraient avec dextérité sur le clavier de l'ordinateur, enchaînant les phrases avec une facilité déconcertante. Elles défilèrent sur l'écran du traitement de texte, créèrent des paragraphes, puis disparurent soudain pour laisser place au mot "Chapitre".

Marjolaine s'arrêta pour reprendre sa respiration. Le chapitre venait d'être bouclé. Elle le relirait plus tard. Elle avait l'impression de réintégrer doucement son corps après une belle envolée auprès de son héroïne. Elle se sentait bien, comme toujours après plusieurs heures passées auprès des personnages qu'elle avait créés de toutes pièces. Etrangers au début de son roman, elle s'était attachée à eux, les affublant de certaines manies qu'elle avait pu observer chez ses propres amis. Son héroïne, Emma, avait tendance à toujours jeter un regard discret vers les vitrines des magasins, non pour en admirer l'étalage d'articles, mais pour croiser son reflet dans la devanture. Comme sa tante Judith... Quelle serait la réaction de cette dernière quand elle lirait son livre ? Le lirait-elle seulement, ce "fichu bouquin" ? "Pour qu'elle puisse te lire, ma fille, encore faudrait-il qu'il soit publié !" se dit Marjolaine à haute voix en se levant de sa chaise dactylo.

Etre publiée. Le plus cher désir de tout écrivain. Savoir son talent reconnu, son style apprécié. Etre payé en retour de toutes ces heures passées à taper sur son clavier, à hurler sa rage quand les mots se refusent, à relire encore et encore son texte dans l'espoir de toujours l'améliorer. Et surtout contrer, pour la première fois de sa vie, cette éternelle insatisfaction de ce qui a été écrit. Etre édité... Pour cela, il fallait finir ce "fichu bouquin" !

Marjolaine constata qu'il était l'heure du goûter. Elle sourit : elle aimait goûter, comme les enfants. S'assoir devant un bon chocolat chaud, y tremper une tartine couverte de beurre salé, ou encore déguster une bonne crêpe... Et pour les envies de crêpes, il n'y avait qu'une seule adresse pour la jeune romancière : c'était Chez Lucette ! Marjolaine attrapa son sac à main et sa veste en laine noire et dévala l'escalier. Arrivée dans le petit hall sombre de son immeuble, elle prit une seconde pour vérifier dans une haute glace qu'elle ne semblait pas sortir de son lit. Ses cheveux noirs, courts et souples, n'en faisaient un peu qu'à leur tête sur la sienne, mais qu'importait : les gens du quartier la connaissaient suffisamment pour ne plus s'en étonner. Elle enfila sa veste, se fit pour la millionième fois la remarque qu'elle aurait aimé être beaucoup plus grande, mais l'héritage de sa mère avait là-aussi laissé son empreinte... Elle ouvrit en grand la porte de son immeuble.

L'air marin lui fouetta le visage comme pour la sortir totalement de l'état second dans lequel la mettait son récit. Elle apprécia, comme à chaque fois, l'odeur salée de la mer qui roulait sur la plage à deux rues de chez elle. Le vent déjà frais de cette fin d'automne lui porta presque immédiatement la délicieuse odeur des crêpes de Lucette...

Occupant tout le rez-de-chaussée de l'immeuble jouxtant celui de Marjolaine, la Crêperie de Lucette restait ouverte toute l'année. Bondée de touristes pendant la période estivale, elle redevenait un petit lieu intimiste et douillet quand la mauvaise saison était de retour. Il y faisait chaud, les banquettes en velours rouge sombre invitaient les clients à rester plus longtemps que prévu, et la naturelle chaleur amicale de Lucette, quinquagénaire vendéenne pure souche au yeux d'un bleu à faire pâlir tous les océans de la terre, forçait presque les gens à revenir passer du bon temps dans sa crêperie. Marjolaine poussa la porte aux petits carreaux vitrés, un sourire déjà aux lèvres.

- Bonjour Lucette, fit-elle.

Lucette, occupée à ranger des verres derrière un petit bar, se redressa en souriant à son tour.

- Marjolaine! Entre ma chérie! Tu as l'air épuisé.

Puis, se tournant vers les cuisines :

- Jacques! Une normande pour Marjo!

La jeune femme prit place à une petite table ronde dissimulée dans un coin, derrière un petit paravent. Epuisée ? Oui, tout à coup, après avoir terminé son travail de romancière, Marjolaine se sentait éreintée. Elle avait sorti d'elle-même tout ce qu'elle avait pu y trouver pour le mettre dans ses pages, et à présent elle devait sérieusement penser à recharger ses batteries. Mais c'était une saine fatigue. Celle que l'on éprouve après un travail pénible mais bien fait. Et la romancière savait que dans quelques heures elle éprouverait de nouveau cet irrépressible besoin d'écrire, de se laisser emporter par les vagues de son imagination...

Lucette apparût à ses côtés, une assiette fumante dans les mains.

- Tiens ma belle. Ca va te requinquer! fit-elle en la servant.

La crêpe, d'où émanait une odeur chaude et délicieuse, renfermait sous sa fine dentelle des pommes cuites nappées de cannelle. Une rosace de chantilly, posée au milieu de ce pêcher mignon,  fondait avec une lenteur alléchante. Marjolaine trouva soudainement sa vie très belle...

Sans plus de façon, Lucette s'était assise en face d'elle.

- Et ton livre, ça avance?

La jeune femme fit "oui" de la tête en avalant sa première bouchée. Cette crêpe était une pure merveille!

- Oui, oui, reprit-elle. Je dois rencontrer un conseiller littéraire de la maison d'édition Dascaux dans deux semaines. Ca me donne à peine le temps de peaufiner la première partie. Pour la seconde et bien...

Marjolaine eut une petite moue : aurait-elle le temps de relire complètement la fin de son roman avant de le présenter à l'œil avisé du conseiller? Elle appréhendait ce moment depuis longtemps mais, afin de pouvoir écrire en toute liberté, l'avait volontairement effacé de sa mémoire durant tout le temps de la rédaction de son roman. Neuf mois. Il lui avait fallu neuf mois pour coucher par écrit tout ce qu'elle avait à dire. Pour "accoucher" de son œuvre, comme elle le lisait souvent dans diverses revues littéraires. Et elle savait combien ce terme pouvait être exact. La douleur était toujours présente chez elle : soit parce qu'elle écrivait et luttait contre les mots avant de parfois jouer avec ; soit parce qu'elle n'arrivait plus à écrire et désespérait de retrouver l'élan pour continuer son roman. Mais ce mal n'était rien comparé à l'intense plaisir de lire ce que son imagination avait produit.

- J'ai confiance en toi, fit Lucette en posant gentiment sa main sur le bras de Marjolaine. Tu vas y arriver.

Et dans un franc sourire, elle quitta la table pour retourner vaquer à ses occupations. Le caractère toujours très positif de Lucette remontait tout aussi bien le moral de la romancière que ses crêpes. Marjolaine sentait qu'elle reprenait des forces tandis que la crêpe s'évanouissait rapidement de son assiette.

A présent, ce qu'il lui fallait, c'était trouver de nouvelles idées pour son livre. Et très souvent, la crêperie de Lucette lui fournissait de la matière première : l'endroit, très calme entre deux services, lui permettait de se ressourcer, mais aussi d'observer à la dérobée des personnes de passage. Elle se les décrivait mentalement, tentait d'imaginer leur métier, leur famille... Et souvent elle attrapait au vol une de leurs particularités qu'elle replaçait dans son roman. C'était ainsi que le conseiller des éditions Dascaux lui avait dit de travailler ses personnages. Et elle devait bien avouer que cela fonctionnait plutôt pas mal.

Ce type là, qui venait d'entrer, par exemple... Plutôt grand, châtain, il portait un complet bleu marine et des chaussures certainement hors de prix. Il s'était assis directement au bar, sous le regard bienveillant de Lucette : visiblement, ce n'était pas la première fois qu'il venait chez elle. Ils échangèrent quelques mots et un rire grave et doux lui échappa. Marjolaine chercha son regard dans l'immense miroir derrière le bar, mais il avait baissé les yeux sur la tasse de café que Lucette venait de lui apporter. Quelques mèches rebelles retombaient sur son front, ses lèvres étaient charnues. Il sourit, dévoilant une dentition trop impeccable pour n'avoir jamais été retouchée. La romancière croisa le regard vert et or de son sujet d'étude : c'était à elle qu'il souriait ! Une violente chaleur l'envahit : elle se sentit rougir comme une lycéenne et détourna vivement la tête, replongeant vers son assiette vide. Elle s'affaira à y picorer minutieusement quelques minuscules morceaux qui lui avaient échappé, tentant de calmer les battements trop rapides de son cœur. Quelle honte ! Se laisser ainsi surprendre à dévisager un parfait inconnu ! Qu'aurait pensé sa mère? Elle croisa ses couverts dans son assiette, gesticula un peu sur sa chaise en repliant sa serviette. Elle mourrait d'envie de le regarder de nouveau, juste pour voir... Pour voir quoi ? "T'es une vraie gamine !" se sermonna-t-elle intérieurement.

Il y eut du bruit au bar. Lucette lança son joyeux "Au revoir". Il partait ! Marjolaine releva vivement la tête, surprise par cette étrange émotion qui montait en elle. En une seconde, la romancière prit le pas sur elle et lui projeta son image en train de courir dans la rue à la poursuite du parfait inconnu. Elle se ressaisit rapidement, se contentant de regarder sa silhouette franchir le pas de la porte. Il tourna à gauche et lança un dernier regard à l'intérieur de la crêperie. Leurs yeux s'accrochèrent une ultime fois. Elle eut l'impression de le voir sourire...
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